Maria
Jessica Palud, France, Belgium, 2024o
Maria Schneider is no longer a child and not yet an adult when she is given the leading female role in the new film by the adolescent Italian star director Bernardo Bertolucci. The film is called Last Tango in Paris and tells of sex on the verge of coercion in Huit clos with the much older US star Marlon Brando. He will make Maria an icon, but she is as unprepared for the filming, full of assaultive instructions and scenes, as she is for the scandal that the film deliberately provokes.
On aime se rappeler les années 70 comme un âge d’or. Libre et contestataire, la décennie le fut assurément. Elle eut aussi sa part d'ombre. En témoigne la destinée de l’actrice Maria Schneider (1952-2011), à qui la cinéaste française Jessica Palud rend hommage dans un biopic sobrement intitulé Maria. Propulsée sur le devant de la scène alors qu’elle n’avait pas encore vingt ans par une œuvre à l'aura sulfureuse, Le dernier tango à Paris (1972) de Bernardo Bertolucci, où elle donne la réplique à Marlon Brando, la jeune comédienne fut victime d'un abus de pouvoir durant le tournage du film, qui met en scène la rencontre charnelle entre un homme d'âge mûr et une jeune fille à l'allure adolescente reclu·es dans un appartement parisien. Sans prévenir Maria Schneider, Bertolucci lui fit jouer une scène de sodomie simulée au cours de laquelle Brando emploie une motte de beurre comme lubrifiant. Sous couvert de rompre les tabous sexuels de l’époque, le cinéma libertaire de la décennie post-mai 68 se fait ici l’agent de fantaisies masculines où la question du consentement est éludée. Dans le sillage du mouvement #meetoo, ce drame tristement célèbre, dénoncé en son temps par Maria Schneider, a été abondamment discuté, notamment afin d’attirer l’attention sur les conditions de production des images, impasse de la critique de cinéma traditionnelle. À cet égard, on ne peut que saluer le geste de Jessica Palud, qui reconstitue la scène d’abus sexuel du Dernier Tango du point de vue de la victime. La suite du biopic, de facture classique, égrène certains épisodes de la vie de Maria Schneider qui firent suite au tournage du film de Bertolucci : scandale médiatique, condamnation de l’actrice par une partie de l’opinion publique, dépression, addiction à l’héroïne, séjours en institutions psychiatriques. La douleur cachée d’une décennie dont la liberté ne profita pas à tou·te·s.
Emilien Gür