Rendez-vous avec Pol Pot
Rithy Panh, France, Cambodia, 2024o
Democratic Kampuchea (Cambodia) - 1978. Three French journalists are invited by the Khmer Rouge to conduct an exclusive interview of the regime's leader, Pol Pot. The country seems ideal. But behind the Potemkin village, the Khmer Rouge regime is declining and the war with Vietnam threatens to invade the country. The regime is looking for culprits, secretly carrying out a large scale genocide. Under the eyes of the journalists, the beautiful picture cracks, revealing the horror. Their journey progressively turns into a nightmare. Freely inspired by journalist Elizabeth Becker's account in When the war was over.
Attention, film fort, mais pas évident. Lui-même rescapé du génocide cambodgien perpétré par les Khmers rouges dans les années 1970 (avec près de deux millions de morts), Rithy Panh s'est donné pour mission de témoigner et surtout de chercher à comprendre ce qui s'était passé. Il apporte une nouvelle pierre à son admirable édifice avec ce film qui mêle documentaire et fiction et relate la seule visite de journalistes étrangers à Pol Pot, le dirigeant en chef du dit «Kampuchea démocratique». On est en 1978, peu avant la chute du régime du fait de sa guerre contre le Vietnam voisin. Trois Français agréés espèrent encore obtenir un entretien exclusif du leader communiste, soupçonné d'exactions après trois années au pouvoir: une journaliste familière du pays, un photo-reporter noir et un intellectuel sympathisant, ancien ami d'université. Mais la propagande omniprésente, leur strict contrôle et le peu qu'ils parviennent à entrevoir du pays ont déjà de quoi les inquiéter. Et s'ils étaient en danger eux-mêmes? Ne disposant que de moyens très modestes, le cinéaste a préféré se souvenir d'une certaine modernité que de viser une coûteuse et illusoire reconstitution. Il a ainsi ponctuellement recours à des inserts d'archives et à des maquettes avec figurines, comme dans son bouleversant L'image manquante (2013). Le résultat n'en est sûrement pas moins frappant, qui finit par exposer l'idéalisme meurtrier de ce régime délirant. Un bémol vient toutefois entacher cette forte impression: dans la réalité, le trio était anglo-saxon, Rithy Panh s'autorisant par ailleurs des libertés douteuses pour mieux appuyer sa démonstration. Un cinéaste a priori inattaquable a-t-il pour autant le droit de falsifier ainsi les faits?
Norbert Creutz