Partir un jour

F Watchlist

«On connaît la haine – le mot n’est pas trop fort – du public français pour les films où les personnages chantent». Il semble que les goûts aient évolué depuis l’époque évoquée par le critique Jacques Lourcelles, au regard de l’accueil chaleureux réservé au film d’ouverture du Festival de Cannes, Partir un jour, qui mêle au récit – le retour d’une cuisinière star chez les siens en Province – des scènes de playback où les personnages fredonnent des airs bien connus. Si l'on a du mal à partager l’enthousiasme de la presse hexagonale envers ce premier long-métrage, on lui reconnaît la qualité d'être si inoffensif qu’on s’en voudrait d’en dire du mal. Contrairement à bien des comédies musicales, ce «film pop et diablement attachant», d’après la revue Elle (qui réalise d’ailleurs un portrait de la cuisinière star dans le film), ne raconte pas une histoire d’amour, mais est porté par l’amour d’une histoire, recette éprouvée du cinéma hexagonal: la France d’en haut rencontre la France d’en bas, la condescendance initiale cède la place à un regard plus empathique, mais faut pas déconner non plus: après quelques jours, il sera grand temps de rentrer à Paris. Voilà qui sent le réchauffé, ce qui n’est jamais bon signe pour un film centré sur l’univers de la gastronomie. Mais notre bonne foi nous oblige à admettre que tout cela est plus complexe: la réalisatrice Amélie Bonnin a connu une trajectoire similaire à son personnage de transfuge de classe, étoile de la haute cuisine élevée dans un relais routier. Sa visite de quelques jours à ses parents, motivée par l’infarctus de son père et la volonté de fuir quelques problèmes personnels (le stress lié à l’ouverture de son restaurant doublé de celui de se découvrir enceinte), ne sera pas vécue comme un ressourcement régénérateur, mais plutôt comme une parenthèse réflexive. Il n'en fallait pas plus pour séduire la Croisette.