Renoir
Chie Hayakawa, Japan, France, Philippines, Singapore, Indonesia, 2025o
In 1987 Tokyo, a quirky and sensitive 11-year-old girl copes with a terminally ill father and stressed-out working mother while encountering various adults dealing with their own struggles.
Le cinéma, c’est l’enfance, son opacité au monde des adultes. Chie Hayakawa s’en souvient dans un film d’inspiration autobiographique aux airs de dialogue avec l’œuvre d’un de ses compatriotes, le regretté Shinji Sōmai. Avec sa fillette déchirée par la mort de l’amour entre ses parents et la mort tout court de son père, atteint d’un cancer incurable, Renoir a des airs de lointain cousins du chef-d’œuvre de Sōmai, Déménagement, centré sur les émotions d’une petite fille blessée par le divorce de ses géniteurs. L’intrigue de Renoir se déroule dans le Japon des années 1980 finissantes: avec ce retour vers le passé que l’on n’avait pas vu venir – le précédent long-métrage de Hayakawa, Plan 75, se déroulait dans un Japon futuriste –, le style de la réalisatrice gagne en maturité. Comme le peintre Renoir, qui donne au film son titre énigmatique, la cinéaste japonaise construit son récit à partir d’une série d’impressions. Le temps d’un été charnière, une fillette de onze ans se prend d’intérêt pour la magie et l’hypnose, rend visite à son père à l’hôpital, surprend sa mère qui entame une liaison avec un psychologue et converse avec un inconnu à travers un service de téléphone rose dont elle a trouvé par hasard le numéro. Si le sens de certaines scènes nous échappe, cela tient au parti pris radical de Hayakawa de faire corps avec la perception de son jeune personnage: dès la scène d’ouverture, les spectateur·ices sont invité·s à se défaire de leur regard d’adultes pour embrasser celui d’un enfant. Naviguer à travers cet univers de signes opaques se révèle une expérience aussi exigeante que passionnante. Si l’on regrette que le film ne soit traversé par aucun moment de grâce comparable au final de Déménagement, il faut reconnaître que Shinji Sōmai avait placé la barre haut. Hayakawa s’en approche. Ce n’est pas rien.
Clément DesbailletGalleryo






