Moving
Shinji Sōmai, Japan, 1993o
Eleven-year-old Renko dreams of a happy, close-knit family, but watches in pain as her parents separate. The little girl first rebels inwardly, then, traumatized, ends up committing senseless acts, proving just how disturbed her psyche is. Surprisingly mature, she refuses to accept the situation, and her attitude becomes increasingly extreme and dangerous for herself and those around her.
Véritable «chaînon manquant» du cinéma japonais, récemment redécouvert par une poignée de distributeurs cinéphiles passionnés, Shinji Somai (1948-2001) a réalisé treize films durant deux décennies avant de disparaître prématurément. Sorti en 1993, Déménagement est indiscutablement son chef-d'œuvre: un film comme touché par la grâce. Il participe de cette riche veine intimiste japonaise dont Yazujiro Ozu fut le maître et dont Hirokazu Kore-eda paraît aujourd'hui le principal continuateur. À Kyoto, on y suit Renko (Tomoko Tabata, à la bouille et au tempérament irrésistibles), une fille unique de onze ans qui assiste à la séparation de ses parents. Le père part vivre de son côté tandis que la mère a repris un travail, mais il n'est pas question d'infidélités. Le cinéaste épouse pour l'essentiel le point de vue de la fillette, qui vit tout ceci très mal et cherche à réunir ses parents pour éviter le divorce définitif. Après plusieurs épisodes ponctués par une première tentative de fugue, elle réussit à susciter des retrouvailles au Lac Biwa, un lieu de vacances où ils furent heureux tous les trois. Et c'est là, en plein «festival du feu», que la mise en scène, déjà d'une précision admirable jusque-là, sort vraiment le grand jeu pour transformer ce film en une expérience bouleversante et inoubliable. Des couleurs éclatantes aux plans-séquences virtuoses, tout devient pure beauté pour raconter cette désillusion transformée en nouvel élan vital, à travers le choix de l'acceptation et du pardon. C'est universel et transcendant. Même le plan «bonus» final, alors que le générique défile déjà, constitue un petit chef-d'œuvre en soi.
Norbert Creutz